Médiation animale
Education et Bien être

Le métier d’intervenant en médiation animale

Aujourd’hui, je vous propose un zoom sur un métier en plein essor: intervenant en médiation animale.

Quésaco? La médiation animale vise à mettre en contact dans une relation triadique un animal, avec une personne en situation de vulnérabilité (en souffrance, en difficulté ou en situation de handicap) par l’intermédiaire d’un professionnel de l’animation. Ce dernier est donc chargé de mettre en relation et de coordonner les échanges entre les animaux et le public fragilisé dans un but thérapeutique comme l’augmentation du bien-être, l’atténuation de certains symptômes…

Afin d’en apprendre davantage sur ce métier, ses objectifs mais aussi de comprendre le rôle tenu par les animaux, je vous propose de découvrir l’entretien que j’ai réalisé ce mois-ci auprès de Claire Adam, Présidente de l’Association Ani M’Aide. 

En quoi consiste précisément le métier d’intervenante en médiation animale ?

A travers mon métier d’intervenante en médiation animale, je propose des activités à visée thérapeutique associant les animaux, ce peut être aussi des activités de loisirs ou d’éveil.

Nous avons plusieurs publics cibles: des enfants, des personnes âgées, des personnes en réinsertion sociale, des personnes souffrant d’addictions, des personnes qui sont dans des unités protégées, des malades d’Alzheimer, des personnes en fin de vie également. En fait, on peut travailler avec tous types d’individus.

Chaque public se définit suivant une pathologie ou un besoin différent et c’est cela que l’on essaie de travailler. Pour les personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, on va leur faire travailler la mémoire par le biais des animaux par exemple. Le fait de discuter avec eux, de leur présenter un animal, ça peut leur faire rappeler des souvenirs quand ils étaient jeunes…Le fait de toucher l’animal, de le nourrir…tout peut être vecteur d’un rappel, d’un souvenir pour une personne souffrant de cette pathologie. On joue énormément sur les sens.

En ce qui concerne les enfants, on cherche souvent à canaliser le trop plein d’énergie. On essaie alors de leur faire comprendre que plus ils sont énervés, plus l’animal le sera aussi et l’échange ne sera pas optimum, l’animal ne sera pas réceptif pour être brossé, caressé… J’explique alors aux enfants que pour être en interaction avec l’animal, il faut qu’ils soient calmes, qu’ils aient des gestes doux.

On peut aussi travailler d’autres choses plus scolaires sans même que les enfants s’en rendent compte. Souvent, en début de séance, je fais peser les cochons d’inde, on fait noter le poids avant et après le nourrissage des animaux et les enfants travaillent alors les mathématiques, la logique… Je fais aussi travailler les plus petits sur les formes quand je leur demande de découper les légumes pour nourrir les animaux ; ou encore la dextérité, la mémorisation, la motricité…Avec les plus petits, on fait découvrir les sens par le toucher via les différentes textures, les différents poils d’animaux.

Vous intervenez auprès des enfants de quel âge ?

On vient de faire un appel à projet auprès de la Mairie et on va intervenir pour les enfants de 0 à 17 ans ! On travaillera avec des enfants bénéficiaires du CLAS (Contrat Local d’Accompagnement Scolaire), c’est à dire des enfants identifiés par les professeurs comme étant en difficulté et qui intègrent donc ce dispositif. Je suis déjà intervenue sur un projet similaire en 2020- 2021 mais auprès d’enfants d’école élémentaire (6-10 ans) notamment dans le but de les aider à gérer leur trop plein d’énergie ou leurs problèmes comportementaux . Certains enfants ne voulaient pas faire leurs devoirs, certains étaient un peu turbulents ou dans un schéma de violence, on travaille donc sur beaucoup de choses, de difficultés et on essaie de faire évoluer les comportements, c’est vraiment très intéressant.

Depuis combien de temps faîtes-vous ce métier ?

J’ai été diplômée en 2020 donc ça fait 2 ans maintenant que j’exerce ce métier. Auparavant, j’étais dans le secrétariat. Ce choix de reconversion s’est fait assez naturellement d’une part parce ce que j’ai toujours aimé les animaux et d’autre part par le biais de l’école de ma fille handicapée qui proposait ce type d’activités, je m’y suis intéressée et j’ai voulu me reconvertir dans ce métier qui pour moi avait du sens.

J’ai eu besoin d’un peu de temps pour nourrir mon projet et j’ai activé mon compte formation pour entamer ma reconversion dans les meilleures dispositions, j’ai suivi un parcours intensif de quatre semaines auprès de l’organisme Agatéa.

Je ne regrette absolument pas d’avoir entamé ce changement professionnel  ! Après là où c’est plus difficile c’est que je travaille sous statut associatif et donc je suis bénévole au sein même de mon association. Je fais vivre l’association mais je ne récupère pas de salaire, donc en parallèle j’ai ouvert une pension pour animaux de compagnie et je garde et je m’occupe de ces derniers lorsque leurs propriétaires en ont besoin.

Les animaux sont déjà un peu ma thérapie à moi, donc ces deux types d’activités m’apportent beaucoup d’un point de vue humain.

Combien d’animaux possédez-vous ? Pouvez-vous nous les présenter?
  • 2 lapins
  • 2 chinchillas
  • 4 cochons d’inde
  • 1 chien
  • 1 chat

Depuis que j’ai choisi cette voie professionnelle, j’ai cherché mes petits compagnons de route. Le premier animal que j’ai accueilli c’est un chinchilla mâle appelé PAF que j’ai été cherché chez une éleveuse à proximité de chez moi. Je lui avais parlé de mon projet de médiation animale et elle a totalement adhéré à celui-ci. Comme les chinchillas ne vivent pas seuls, j’étais à la recherche d’un partenaire et 3 semaines plus tard, suite à un désistement, j’ai accueilli une petite femelle prénommée PÊCHE .

Entre temps, j’ai accueilli une lapine, toujours issue de cet élevage mais décédée depuis. ROSE et APFLE lui ont succédé, ce sont deux lapines en tous points différentes: l’une est un lapin bélier de près de 6 kg, et Rose un extra-nain qui a le dessus sur sa copine! Les cochons d’inde s’appellent POLOCHON, MAYA, SUMMER et TOKYO.

Avez-vous eu besoin de préparer ou d’éduquer les animaux afin d’en faire des médiateurs ?

A la base c’est une éducation qu’on leur donne, on les manipule dès tous petits et on les met en contact avec des gens pour qu’ils aient une certaine habitude. Comme ce sont mes animaux, tous les jours, je m’en occupe, je les prends dans les bras, je leur parle…ils vivent en semi-liberté! Dès l’obtention de ma formation, je les ai emmenés avec moi aux séances donc ils ont été habitués très rapidement à voir des personnes différentes, à être brossés, caressés…

Pouvez-vous nous expliquer comment se passe une séance de médiation animale ?

Suivant l’organisme ou la structure qui nous reçoit et la fréquence des séances, on ne travaille pas les mêmes choses. Dans certains EPHAD par exemple, si on vient une fois par mois, mon travail se rapporte plus à une animation et là je n’ai pas de feuille de route préétablie pour la séance, juste le but de l’interaction entre les résidents et les animaux. On travaille malgré tout la mémoire etc, mais pour avoir des résultats plus concrets, les séances plus rapprochées sont préconisées.

Je travaille toujours en collaboration avec un animateur quelque soit la structure dans laquelle j’interviens.

Par rapport aux enfants, les séances sont préparées en amont avec un animateur pour travailler sur tel ou tel axe.

Je choisis les animaux à l’avance selon le public avec qui je vais être et l’objectif de la séance. Le plus souvent, j’emmène les lapins, les cochons d’inde et les chinchillas.

La météo peut aussi jouer sur le choix que j’effectue, comme c’est le cas par exemple avec les chinchillas dès les premières chaleurs car ce sont des animaux sensibles au changement de température. 

La première fois que j’interviens dans un établissement, je prévois l’installation en amont par rapport à l’équipement qu’il y a sur place. Quand j’arrive, le public est déjà présent et moi j’arrive avec mes animaux.

Quand j’arrive, on commence la séance avec un préambule, j’explique ce que l’on va faire aujourd’hui. Je recontextualise la séance, je demande aux participants s’ils se souviennent des noms de chacun des animaux. Je sors les animaux un par un, si je vois que l’un d’eux est fatigué ou pas réceptif, je le rentre…c’est l’animal qui choisit en fin de compte!

Combien d’heures par semaine les animaux sont-ils sollicités ?

C’est aléatoire suivant chaque séance, l’état de fatigue de l’animal… De plus, sur une séance d’une heure, l’animal est sorti et sollicité 40 minutes maximum. Pour les animaux, c’est un plaisir mais aussi un travail, ce sont des éponges, ils captent toutes les vibrations, les émotions…ça leur prend beaucoup d’énergie. 

Avez-vous une préparation avant les séances pour mettre les animaux en condition ?

Non, ils savent quand je prépare le matériel qu’on va partir pour une séance. Le chien est surexcité quand il sait qu’on va partir travailler, il est enthousiaste. J’ai d’ailleurs choisi ce chien pour cette raison, c’est un Old English Bulldog, il a un caractère très entreprenant, intelligeant, il aime les câlins, il veut travailler et en plus il adore manger alors on lui fait faire des jeux d’intelligence avec les participants, il soulève des plots…il développe donc aussi ,au contact de tous les publics, des facultés. 

Comment vous ressentez les animaux après les séances ?

Ils sont « raides », ils n’en peuvent plus, ils sont vraiment fatigués car ils donnent beaucoup d’énergie. Je précise que je ne fais qu’une séance par jour pour ne pas sur-solliciter les animaux. Il faut savoir que tout changement ou déplacement c’est quelque chose qui est vécu difficilement par les animaux : ils ne sont pas chez eux, il y a des odeurs, des repères qui diffèrent et c’est perturbant pour eux. 

En quoi les animaux agissent-ils sur les humains ?

Que ce soit avec n’importe quel public, l’animal restera toujours pareil, il ne vous jugera pas !

Les gens sont détendus parce que ce sont des animaux, beaucoup ont des étoiles dans les yeux dès notre arrivée!

Observez-vous des différences entre les médiations que vous faites avec les NACS et vos autres animaux ?

Non aucune, tous apportent quelque chose aux gens, après cela dépend des personnes , des sensibilités et des aprioris. Par exemple, pour certaines personnes, les lapins sont identifiés comme un animal en tant que viande, les chinchillas peuvent être apparentés à des rats et donc peuvent rebuter au premier abord…On a des défiances différentes, je travaille beaucoup sur les peurs et les préjugés aussi. Mais en terme de travail, il n’y a aucune différence entre les NACS et non NACS, chaque animal a la particularité de son espèce mais ça s’arrête là.

Est-ce que les lapins sont bien accueillis par le public ?

En règle générale, oui. Le lapin est un animal passe partout. Ce que je peux observer c’est que souvent dans les EPHAD, les résidents m’expliquent que plus jeunes ils avaient une ferme et élevaient des lapins, comme nous sommes dans une région rurale, le lapin fait donc partie des animaux emblématiques. Sur ce point, le lapin leur rappelle leur enfance, leur jeunesse. L’approche serait surement différente si je travaillais dans un milieu plus urbain. 

Y’a-t-il des peurs avec les lapins ?

Non, j’ai beaucoup plus d’enfants qui ont peur du chien. Mais cela peut aussi être différent d’une région à une autre, ici, je n’ai pas observé de peurs particulières du public envers les lapins. Pour certains, c’est plus un dégoût de le toucher car ils n’aiment pas ou ont des appréhensions donc mon objectif dans ce cas, c’est justement que la personne réticente puisse réussir à caresser l’animal et aller au-delà de ses craintes.

Est-ce que c’est difficile de faire travailler les lapins ?

Non, mes deux lapins sont dociles, pour moi il n’y a pas de difficultés!

Est-ce que l’attention du lapin est optimale pendant les séances ?

Le lapin est un animal qui bouge beaucoup, mais mes lapines sont à l’aise, j’arrive à canaliser leur attention pendant les séances. Elles restent sur la table, elles ne sautent pas et ne se sauvent pas non plus. Elles sont concentrées. Même sur les genoux des gens, quand je pose les lapines, elles restent en place!

Est-ce que le public âgé est plus réceptif aux NACS ?

Pas spécialement. Toutes les séances sont sur la base du volontariat donc tous les participants aiment les animaux et sont en demande quel que soit l’animal qui est présent le jour des animations. Le public est ainsi écrémé, tout le monde est là parce qu’il est heureux d’être là, public comme animaux ! 

Quelles activités spécifiques sont mises en place avec les lapines ?

Les activités mises en place sont surtout orientées autour des soins comme le brossage, le nourrissage, ou encore les câlins… et puis les gens leur parlent. On est sur un même modèle avec les cochons d’inde. Après, les deux lapines n’ont pas la même taille, le même poil, donc l’expérience ne sera pas la même.

Certaines personnes ont des difficultés pour s’exprimer ou ne parlent plus et ils arrivent à parler aux animaux, j’ai pu le constater dernièrement avec le résident d’un EPHAD, c’était très touchant. 

Le lapin est un animal nerveux en général, y’a-t-il une préparation au préalable ?

Non, je ne me pose jamais la question justement parce que mes lapines sont hyper sociables, elles ne mordent pas non plus, donc je n’ai aucune appréhension ou préparation préalable. 

Après plusieurs séances, remarquez-vous une modification des approches et des comportements entre le lapin et le public ?

Les gens sont plus attentionnés quand ils voient régulièrement les mêmes animaux, ils ont des affinités avec certains. Des fois on me demande d’amener untel ou untel animal pour la prochaine fois ! Il y a des coups de cœur, certains vont préférer Rose d’autres Apfel, c’est souvent à cause de leur taille car elles ont le même comportement. Rose on peut la prendre dans les bras parce qu’elle est plus petite et certains vont préférer. Pour Apfel ce sera autre chose, peut-être parce que c’est une bonne patte! Le public s’habitue et chacun a ses préférences même si elles sont aimées toutes les deux, une fois le contact établi avec le public, c’est gagné! 

Notre site a pour but d’informer les propriétaires de lapins de compagnie des besoins spécifiques de ces animaux dans le but d’établir une relation saine et une cohabitation sereine mais aussi de faire de la prévention en expliquant les particularités des lapins afin d’éviter les abandons.
Aussi, j’aimerai savoir si en tant qu’intervenante en médiation animale, vous avez une démarche d’information auprès de votre public sur les besoins et spécificités chez les lapins de compagnie (par exemple sur leur alimentation, les soins à leur apporter comme le brossage…) ?

Le lapin mange du foin, c’est son alimentation de base, j’insiste souvent sur cet élément. J’explique aussi que les lapins ne sont pas faits pour vivre en cage, qu’il faut leur accorder du temps, les sortir tous les jours, il faut s’en occuper, leur parler… Avec les enfants, on donne des informations parce qu’ils sont demandeurs, j’essaie de faire de la pédagogie, de leur expliquer que si leurs parents ne veulent pas d’animaux à la maison c’est normal c’est parce qu’avoir un lapin ça prend du temps, il faut faire la cage, la nettoyer, nourrir le lapin, le sortir… 

Pour tous les publics, j’explique aussi les soins et les bons gestes qu’il faut prodiguer aux lapins par exemple brosser dans le sens du poil, couper les griffes, vérifier les yeux, faire un câlin sans étouffer l’animal…ce sont toutes les petites choses que l’on fait sans s’en rendre compte parce que l’on prend soin de notre animal. Je transmets des conseils comme ça. Le public est réceptif, surtout les enfants, les messages passent très bien, ils s’intéressent beaucoup.

Les abandons chez les NACS et les lapins en particulier sont en recrudescence, comment analysez-vous ce triste constat?

On remarque une recrudescence des abandons chez les lapins aussi dû au fait des confinements où les animaux ont été achetés à la va vite car les gens s’ennuyaient chez eux, et depuis que la vie reprend son cours, beaucoup ont repris leurs activités d’avant COVID et les lapins ne sont plus intéressants ni la priorité ! Beaucoup de personnes abandonnent les animaux avant les vacances aussi.

Il y a aussi un défaut d’informations et de formation dans les animaleries, souvent les vendeurs ne savent même pas faire le sexage des lapins et n’identifient pas bien les mâles et les femelles, ce qui peut par la suite créer des désagréments dans les foyers. 

Quelle vision avez-vous de votre métier?

Je pense que la médiation animale serait bénéfique pour tout le monde, ça permettrait de changer les mentalités sur le bien-être animal en général. La médiation animale peut jouer un rôle important.

L’animal doit rester au centre du métier, il doit aussi être respecté et on doit respecter son rythme, son caractère il ne faut pas sur exploiter l’animal.  

Pour en savoir plus sur les activités proposées par Claire Adam et son équipe, je vous invite à visiter leur site.

Entretien réalisé en mai 2022

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